Jacques Chirac [ ʒɑk ʃiʁak]a Écouter, né le 29 novembre 1932 à Paris et mort le 26 septembre 2019 dans la même ville, est un haut fonctionnaire et homme d'État français. Il est président de la République française du 17 mai 1995 au 16 mai 2007.
Député de la Corrèze et secrétaire d'État à partir de 1967, il est nommé Premier ministre par Valéry Giscard d'Estaing en 1974, notamment à la suite de l’appel des 43. Deux ans plus tard, entretenant de mauvaises relations avec celui-ci, il démissionne de Matignon et lance le Rassemblement pour la République (RPR). Il devient maire de Paris en 1977 et se présente à l’élection présidentielle de 1981, où il participe à l’échec du président sortant.
Il exerce à nouveau la fonction de Premier ministre de 1986 à 1988, sous la présidence de François Mitterrand : il est ainsi le premier chef du gouvernement d'une cohabitation sous la Ve République et, par la même occasion, la seule personnalité politique sous ce même régime ayant assumé par deux fois la charge de Premier ministre. Il est battu au second tour de l’élection présidentielle de 1988 face au président sortant, puis prend la tête de l’opposition, bien que concurrencé par la suite par Édouard Balladur.
À l’issue de l’élection présidentielle de 1995, il est élu chef de l’État avec 52,6 % au second tour, face au socialiste Lionel Jospin. Le début de son septennat est marqué par une réforme des retraites et de la Sécurité sociale qui est massivement contestée et en partie abandonnée, et par la reconnaissance de la responsabilité de l'État français dans la déportation des Juifs au cours de l'Occupation. À la suite de la dissolution manquée de l'Assemblée nationale en 1997, il est contraint à une cohabitation avec Jospin. Il doit alors faire face à des affaires judiciaires dans lesquelles il est directement mis en cause.
Lors de l'élection présidentielle de 2002, il est réélu au second tour avec 82,2 % des voix, bénéficiant d'un « front républicain » face au candidat du Front national, Jean-Marie Le Pen. Pendant son second mandat, après avoir lancé l'Union pour un mouvement populaire (UMP), il prend la tête de l'opposition internationale à la guerre d'Irak lancée par George W. Bush, et s'implique pour le « oui » dans le référendum de 2005 sur la Constitution européenne, qui se solde par la victoire du « non ». À la fin de sa présidence, affaibli par un permier AVC en septembre 2005, il renonce à briguer un troisième mandat.
Retiré de la vie politique, il siège jusqu’en 2011 au Conseil constitutionnel, dont il est membre de droit en tant qu'ancien président de la République. Mis en cause dans de nombreuses affaires judiciaires durant sa carrière, il a bénéficié de son immunité présidentielle, mais reste poursuivi dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, dans le cadre de laquelle il est condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis en 2011.
Durant son parcours politique, il se montre changeant au niveau idéologique. Engagé à gauche dans sa jeunesse, il est généralement considéré comme gaulliste et classé à droite de l'échiquier politique, bien que des spécialistes le qualifient de radical-socialiste.
Le patronyme Chirac désigne une personne originaire de Chirac, nom de plusieurs localités : la commune de Chirac-Bellevue en Corrèze, l'ancienne commune de Chirac en Lozère (actuelle Bourgs sur Colagne), la commune de Chirac en Charente, ou un hameau de la commune de Chanteuges en Haute-Loire. Le toponyme lui-même est typiquement occitan (il est prononcé [ t͡ʃi.ˈrak]) et représente l'évolution régulière du latin Cariacum, composé de l'anthroponyme gallo-romain Carius et et du suffixe -iacum, désignant la propriété, soit ensemble le « domaine de Carius »1.
Jacques Chirac parle ainsi de son patronyme, qui « a pour origine la langue d'oc, celle des troubadours, donc celle de la poésie ».
Famille
Né à la clinique de la rue Geoffroy-Saint-Hilaire dans le 5e arrondissement de Paris, Jacques René Chirac est le fils « par accidentb » de Marie Louise Valette (1902-1973) et d'Abel François Marie Chirac (1898-1968), médaillé militaire croix de guerre de 14-18, décoré de la Légion d'honneur, employé de banque puis administrateur d'une filiale de la société aéronautique SNCAN. Tous deux sont issus de familles corréziennes laïques et républicaines2.
Ses deux grands-pères sont des hussards noirs de la République, des instituteurs devenus directeurs d'école : à Brive-la-Gaillarde pour son grand-père paternel, Louis Chirac, également vénérable de la loge de la Fidélité du Grand Orient3, et à Sainte-Féréole (Corrèze) pour son aïeul maternel.
Jeunesse et formation
1932-1951 : jeunesse
Le jeune Jacques est élevé en enfant unique et couvé par sa mère car sa sœur aînée, Jacqueline, est morte d'une broncho-pneumonie foudroyante, en 1924, à l'âge de deux ans4.
Il commence ses études à l'école communale de Sainte-Féréole, en Corrèze, où il est scolarisé de 1940 à 1943 ; la famille s'est alors réfugiée face à l'avancée allemande5, avant de rejoindre l'ingénieur aéronautique Henry Potez sur le domaine du Rayol-Canadel-sur-Mer6 puis de les poursuivre en région parisienne (où son père, après avoir été employé de banque, est nommé directeur à la BNCI en 19367), tout d'abord au lycée Hoche de Versailles pendant un an, puis au cours Hattemer8, au lycée Carnot et enfin au lycée Louis-le-Grand, où il obtient le baccalauréat. Les études n'empêchent pas le jeune Jacques de lire de la littérature de son âge, en particulier le magazine Coq hardi dont il rejoint les amateurs en se faisant « totémiser », à la manière des scouts et comme c'était la pratique dans cette édition, sous le totem de « Bison égocentrique » dans les années 19409.
Après son baccalauréat, obtenu en 1950 en section « mathématiques élémentaires » avec mention « assez bien », il fait une campagne de trois mois comme matelot sur un navire charbonnier, le Capitaine Saint-Martin, contre l'avis de son père et signe l’appel de Stockholm sur la non-prolifération des armes nucléaires10. De retour en France, il fait une année en « hypotaupe » (mathématiques supérieures, première année de classe préparatoire scientifique) au lycée Louis-le-Grand.
1951-1956 : études à Sciences Po et vie familiale
Envisageant une carrière administrative, il intègre, en septembre 1951, l'Institut d'études politiques de Paris11. Durant cette période, brièvement, il milite dans la mouvance du Parti communiste avec notamment le futur éditeur Christian Bourgois. Il vend L'Humanité rue de Vaugirard, et participe au moins à une réunion de cellule communiste, comme il l'a raconté12. Ayant signé l'année précédente l'appel de Stockholm, d'inspiration communiste10, il se voit interrogé lorsqu'il demande son premier visa pour les États-Unis ; il est ainsi auditor (étudiant auditeur libre) de la Summer school de Harvard en 1952, et prend dans la foulée une année sabbatique pour parcourir les États-Unis. Il s'y fiance avec une jeune fille de Caroline du Sud13 — Florence Herlihy14 mais les jeunes gens doivent rompre sous la pression de leurs familles respectives15.
De retour en France, ses fiançailles avec Bernadette Chodron de Courcel (née en mai 1933), rencontrée à Sciences Po, sont célébrées dans l'appartement des Chodron de Courcel, boulevard Raspail, le 17 octobre 1953. En 1954, il finit son cursus à l'IEP Paris (section Service Public) en soutenant un mémoire de géographie économique intitulé Le Développement du port de La Nouvelle-Orléans, dirigé par le professeur Jean Chardonnet. Il sort ainsi troisième sur les 139 de sa promotion, avec la mention « bien »16. À l'automne de la même année, il est reçu à l'École nationale d'administration[réf. souhaitée].
Le 16 mars 1956, il épouse Bernadette Chodron de Courcel, malgré les réticences de la famille de celle-ci vis-à-vis d'un jeune homme issu d'un milieu différent. Les Chodron de Courcel refusent un mariage solennel dans la basilique Sainte-Clotilde, habituée des familles de la haute société du faubourg Saint-Germain. La cérémonie a donc lieu dans la chapelle de Jésus-Enfant (no 29 rue Las-Cases), annexe de l'église, réservée alors au catéchisme et aux cérémonies plus intimes, Jacques Chirac étant en uniforme de sous-lieutenant de cavalerie17. Ils ont deux filles : Laurence (1958-2016), médecin, et Claude, née en 1962, conseillère en communication. Les médias rapportent de nombreux cas d’adultère de la part de Jacques Chirac18,19,20, notamment avec Jacqueline Chabridon et Claudia Cardinale21.
1956-1957 : service militaire et guerre d'Algérie
Juste après son mariage, de 1956 à 1957, il effectue son service militaire, et il est classé huitième à l'École de la Cavalerie de Saumur22. On lui refuse cependant le grade d'officier (il est affecté tout d'abord comme soldat de deuxième classe dans un régiment en Bretagne) en raison de son passé communisant et il faut l'intervention des relations de la famille Chodron de Courcel (le général Kœnig) pour l'obtenir. Il en sort donc finalement comme sous-lieutenant de cavalerie.
En tant qu'élève de l'ENA, il aurait pu éviter de faire la guerre d'Algérie (pendant 18 mois), mais il se porte volontaire et il est affecté, à partir du 1er avril 1956, au 11e puis 6e régiment de chasseurs d'Afrique23, en poste à Souk-el-Arba dans le département de Tlemcen24. Au cours de son service, il est blessé au visage, puis promu lieutenant au début de l'année 1957. Il est libéré de son service le 3 juin 1957. Partisan de l'Algérie française, Jacques Chirac explique qu'il n'est devenu gaulliste qu'en 1958, et qu'en 1947[réf. nécessaire], il a pris sa carte du Rassemblement du peuple français « sans savoir ce [qu'il] faisait ».
1957-1965 : ENA et carrière de haut fonctionnaire
Grâce à son mariage et à son ambition, il change complètement de milieu social. De retour de son service militaire, il reprend ses études à l'ENA dans la promotion Vauban, dont il sort dixième en 1959. Celle-ci étant détachée en Algérie par Charles de Gaulle entre le 17 avril 1959 et avril 1960, il est affecté en tant que « renfort administratif » auprès du directeur général de l'Agriculture en Algérie, Jacques Pélissier.
À son retour en France métropolitaine, Jacques Chirac est nommé auditeur à la Cour des comptes et devient maître de conférences à l'IEP de Paris. En juin 1962, il devient chargé de mission (pour la « construction, les travaux publics, et les transports ») auprès du Secrétariat général du gouvernement, puis au cabinet du Premier ministre, Georges Pompidou, dont il devient rapidement un fidèle partisan et collaborateur. Un an plus tard, il retourne à la Cour des comptes en tant que conseiller référendaire, mais ne tarde pas à s'engager en politique.
Parcours politique
Avant l'Élysée
Débuts
En 1965, il est élu conseiller municipal de Sainte-Féréole, en Corrèze, berceau des grands-parents maternels de sa mère25.
Un an plus tard, lors des élections législatives de 1967, Georges Pompidou l'envoie se présenter dans la circonscription d'Ussel (Corrèze), réputée être un bastion de gauche. Il est alors le fer de lance de l'opération dite des « Jeunes loups », à savoir l'alignement par le Premier ministre et les gaullistes de jeunes candidats prometteurs pour remporter des bastions traditionnels de la gauche dans le centre et l'ouest de la France26. Bénéficiant du soutien de Marcel Dassault, qui est un ami de son père et qui finance pour lui un hebdomadaire UDR ayant son siège à Limoges, L'Essor du Limousin27, il l’emporte de justesse au second tour, face à Georges Émon, candidat du Parti communiste français28. Cette victoire est obtenue à l'arraché sur une gauche divisée : en effet, le candidat envoyé par la FGDS pour remplacer Marcel Audy, sénateur et maire et conseiller général de Meymac, un temps pressenti mais convaincu par Jacques Chirac de ne pas se présenter, n'est autre que le propre frère de François Mitterrand, Robert, lequel fait un score calamiteux ; Jacques Chirac bénéficie de la neutralité bienveillante de la gloire locale, Henri Queuille, et de l'appui de l'inamovible maire d'Égletons, Charles Spinasse, ancien ministre socialiste de Léon Blum exclu de la SFIO pour faits de collaborationc. Charles Spinasse affirme à cette occasion que Jacques Chirac est un type très « Front populaire »
Le 8 mai 1967, Jacques Chirac — surnommé « mon bulldozer » par Georges Pompidou — est nommé secrétaire d'État à l'Emploi auprès du ministre des Affaires sociales Jean-Marcel Jeanneney, dans le troisième gouvernement Pompidou, entamant une longue carrière ministérielle qui continue dans tous les gouvernements successifs, dirigés par Maurice Couve de Murville, Jacques Chaban-Delmas et Pierre Messmer, jusqu'en 1974. Plus jeune membre du gouvernement en 1967, l'une de ses premières réalisations est la création de l'Agence nationale pour l'emploi. Durant mai 68, il joue un rôle capital lors des Accords de Grenelle et devient l'archétype du jeune énarque brillant, parodié dans un album d'Astérix en 1976.
Après mai 68, il est secrétaire d'État à l'Économie et aux Finances, d'abord sous l'autorité du gaulliste François-Xavier Ortoli dans le gouvernement Maurice Couve de Murville, puis de celle du libéral Valéry Giscard d'Estaing, après l'élection à la présidence de la République de Georges Pompidou et la formation du premier gouvernement Chaban-Delmas, en juin 1969. Les deux hommes se méfient l'un de l'autre, comme en témoigne le fait que Jacques Chirac n'est pas mis dans la confidence de la dévaluation du franc de 11,1 % en 1969, mais finissent par travailler en bonne intelligence. À ce poste, il patronne notamment la « procédure d'agrément », législation d'exception dont bénéficient les groupes industriels jugés les plus méritants, par négociation à l'amiable directe de l'impôt sur les bénéfices. Ses adversaires l'accusent d'en avoir surtout fait profiter les groupes Dassault ou Bouygues, deux entreprises bien implantées en Corrèze, département où il a renforcé son assise locale en se faisant élire conseiller général pour le canton de Meymac le 27 février 1968 (réélu en 1970, 1976 et 1982) puis président du conseil général en 1970 (réélu en 1973 et 1976, il abandonne ce poste en mars 1979 après être devenu maire de Paris). De plus, le couple Chirac achète le château de Bity, sur le territoire de la commune de Sarran dans le département, le 3 mars 1969, et le restaure après classement comme monument historique par arrêté du 3 avril 196930,d. L'épouse de Jacques Chirac, Bernadette, complète sa présence en Corrèze en étant élue conseillère municipale de Sarran en 1971 (et deuxième adjointe au maire à partir de 1977) ainsi que conseillère générale pour le canton de Corrèze en 1979.
De plus en plus proche de Georges Pompidou, il est choisi en juillet 1969 par le couple présidentiel pour devenir le premier directeur général de la Fondation Claude-Pompidou. Il commence également, à cette époque, à se lier avec deux collaborateurs du président de la République qui deviennent ses deux principaux conseillers durant les années 1970, Pierre Juillet et Marie-France Garaud.
Le 7 janvier 1971, Jacques Chirac est nommé directement par l'Élysée, et sans l'aval du chef de gouvernement Jacques Chaban-Delmas, ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des relations avec le Parlement. Il obtient finalement son premier poste gouvernemental d'importance le 5 juillet 1972, en étant nommé ministre de l'Agriculture et du Développement rural, dans le gouvernement Messmer. Il s'y fait remarquer en obtenant massivement les voix des agriculteurs, base électorale importante qu'il conservera tout au long de sa carrière politique. Dans la même logique, comme bon nombre de personnalités politiques, il assure chaque année, de 1972 à 2011 (sauf en 1979, à la suite de son accident de voiture), une sortie médiatisée et remarquée au salon de l'agriculture31,32. Il devient notamment l'un des instigateurs de la première politique d'aide à l'agriculture de montagne33, en lançant en 1973 l'indemnité spéciale de montagne (ISM)34. En novembre 1973, soutenu par le président, il revient sur des décisions de Valéry Giscard d'Estaing, alors en voyage, en annonçant le retrait du projet de loi de finance d'une nouvelle taxe sur la vente des fruits et légumes qui, dans un contexte de hausse des prix, s'était attirée la colère des détaillants35. Une fois de retour, le ministre des Finances ne peut qu'avaliser les promesses faites par son homologue de l'Agriculture.
Le 27 février 1974, probablement à la suite de l'affaire des écoutes du Canard enchaîné, il « échange », lors d'un changement de gouvernement, son poste avec celui de Raymond Marcellin, jusque-là ministre de l'Intérieur. La mort de Georges Pompidou, le 2 avril suivant, l'affecte fortement ; il apparaît ému aux larmes lors de la messe des funérailles du président en la cathédrale Notre-Dame de Paris. Il milite alors pour une candidature à la Présidence de la République rassemblant l'ensemble de la majorité, face à l'union de la gauche derrière François Mitterrand, et est hostile à Jacques Chaban-Delmas qu'il n'estime pas capable d'affronter la gauche. Il choisit de soutenir tout d'abord le Premier ministre sortant, Pierre Messmer, un temps candidat, puis Valéry Giscard d'Estaing. Il rallie en la faveur de ce dernier, avec son « appel des 43 », 39 parlementaires et 4 ministres gaullistes et contribue ainsi à la victoire du ministre des Finances à l'élection présidentielle. Il bénéficie aussi d'une bonne connaissance du terrain et des élus locaux, acquise en moins de deux ans au ministère de l'Agriculture et surtout de par sa position au sein d'un ministère « stratégique » dans lequel il a la haute main sur les préfets, avec les Renseignements généraux, entre autres.
1974-1976 : Premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing
Le 27 mai 1974, en raison de son rôle décisif dans son élection, Valéry Giscard d'Estaing nomme Jacques Chirac Premier ministre. Il expose le 5 juin son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale qui lui accorde le lendemain sa confiance par 297 voix contre 181. Il conserve l'appui de l'Union pour la défense de la République (qui ne compte que cinq ministres sur quinze, alors qu'ils étaient dix sur seize dans le précédent gouvernement), dont il devient le secrétaire général, en dépit de l'opposition des barons du gaullisme, sans même en avoir été membre précédemment, par 57 voix contre 27 au député-maire de Cambrai, Jacques Legendre, le 14 décembre. Il ne fait toutefois pas l'unanimité au sein du camp gaulliste. Ainsi, le ministre sortant des Relations avec le Parlement, Robert Boulin, qualifie son arrivée à la tête du parti de « hold-up » et rend sa carte de militant tandis que le député-maire de Brive-la-Gaillarde Jean Charbonnel avait déjà saisi, dès le 25 juin 1974, le tribunal administratif pour « violations graves, répétées, délibérées des statuts de l'UDR ». Jacques Chaban-Delmas, quant à lui, estime que : « M. Chirac n'a découvert le gaullisme qu'en comptant les sièges de l'Assemblée ».
Jacques Chirac prend toutefois rapidement en mains l'UDR, notamment les fédérations du parti, et il est réélu à la tête du parti avec 92,56 % des voix des membres du conseil national[Quand ?]. La journaliste Michèle Cotta mentionne « un enthousiasme inouï manifesté dans la salle ultra-moderne du palais des Congrès. Quel contraste par rapport à sa désignation houleuse en décembre dernier »36.
À Matignon, il instaure un style détendu et studieux, travaillant souvent en bras de chemise et les pieds sur la table, tout en entamant un bras de fer avec le président. Tous deux désirent gouverner le pays et possèdent un caractère très différent : leur rivalité est la même depuis leurs tensions au ministère des Finances. De plus, Jacques Chirac se voit imposer par le président un grand nombre de ministres qu'il n'apprécie pas. C'est notamment le cas de Michel Poniatowski qui lui succède à l'Intérieur et obtient en plus le titre de ministre d'État (ce qui en fait le no 2 du gouvernement derrière Chirac) et Jean-Jacques Servan-Schreiber, tous deux fermement antigaullistes. Jacques Chirac se débarrasse rapidement du cofondateur de L'Express sur la question des essais nucléaires. « JJSS » y est opposé et le fait savoir, ce qui le pousse à la démission dès le 9 juin 1974. Pour le remplacer, Valéry Giscard d'Estaing impose à Jacques Chirac le second cofondateur de L'Express en la personne de Françoise Giroud, qui devient secrétaire d'État auprès du Premier ministre chargée de la Condition féminine le 16 juillet.
D'un autre côté, les réformes entreprises par Valéry Giscard d'Estaing surprennent puis agacent les gaullistes. Si Jacques Chirac s'investit personnellement dans la défense des plus symboliques d'entre elles, telles la majorité à 18 ans, la loi sur l'avortement, l'extension de la couverture de sécurité sociale ou la réforme de l'audiovisuel (avec l'éclatement de l'ORTF en sept entités autonomes, comprenant les trois chaines et Radio France, tout en conservant le monopole d'État), celles-ci, ainsi que certaines actions du président telles la « poignée de main » à des détenus en prison, rendent sceptiques l'UDR et vont, selon eux, à l'encontre des idéaux de l'électorat de droite. Beaucoup de « barons du gaullisme » lui reprochent alors d'être trop proche de l'Élysée, le contraignant à la démission du secrétariat général de l'UDR le 15 juin 1975 au profit d'un de ses proches, André Bord puis, à partir de 1976, Yves Guéna. Espérant être reconnu par le président de la République comme chef de la majorité, l'emploi par l'Élysée du terme de « majorité présidentielle » fait que les relations se tendent entre les deux têtes de l'exécutif. Les deux conseillers personnels de Jacques Chirac, Pierre Juillet et Marie-France Garaud, le poussent même à la rupture avec Valéry Giscard d'Estaing.
Gestion de la crise économique
À ces difficultés d'ordre politique s'ajoute une mauvaise situation économique et sociale. Il est en effet le premier chef de gouvernement à être réellement confronté aux effets du premier choc pétrolier de 1973 : la France connaît alors sa première récession économique (le PIB se rétracte de 1,6 % au quatrième trimestre 1974 et de 1,5 % en 1975) depuis 1945, ainsi qu'une forte inflation (celle-ci croît de 13,8 % en 1974, soit la plus forte hausse depuis 195837), tandis que le nombre de demandeurs d'emploi passe de 200 000 à 1 million de personnes de 1974 à 1976. Dans un premier temps, le gouvernement s'efforce de lutter contre l'inflation née de la hausse du prix du baril de pétrole en adoptant le 12 juin 1974 un plan de « refroidissement » préparé par le ministre de l'Économie et des Finances « giscardien » Jean-Pierre Fourcade (il comprend notamment l'opération « frein sur les prix » qui passe par des accords de programmation de hausse avec les producteurs et les distributeurs, la loi du 30 décembre 1974 instaurant un prélèvement exceptionnel contre l’inflation assis sur les accroissements excessifs de marge et la revalorisation du rôle du comité national des prix par décret du 7 août 1975)38. Cette action déflationniste permet à la hausse des prix d'être moins importante les années suivantes (+ 11,9 % en 1975 et + 9,5 % en 1976) et de réduire le déficit commercial du pays, mais fait chuter dans le même temps le taux d'investissement, fragilisant d'autant la production notamment dans le secteur industriel (celle-ci baisse de plus de 10 % en quelques mois).
Jacques Chirac et les gaullistes s'opposent à ce plan, étant favorables à des mesures de relance de l'économie par l'investissement. Le Premier ministre déclare ainsi en juillet 1975 : « Le plan de refroidissement a assez duré. Il ne faut pas écouter les technocrates imbéciles qui veulent freiner les investissements. Les entreprises ont besoin d'une relance ». Sa vision s'impose alors progressivement au président de la République et, après un premier programme « timide » de 6 milliards de Francs complété d'un emprunt de 15 milliards redistribué aux petites et moyennes entreprises au début de l'année 1975, un véritable virage dans la politique économique du gouvernement a lieu en septembre 1975 avec l'abandon du « refroidissement », l'allégement des restrictions de crédits (que sont l'encadrement, les réserves obligatoires et le taux d'intervention de la Banque de France), la mise en place d'un plan de relance de 30,5 milliards de Francs et l'adoption d'un report d'impôt sur les bénéfices pour les entreprises. Cette rupture permet à la production industrielle de repartir à la hausse tout en conservant une inflation stable autour de 10 %, mais entraîne un déficit de la balance commerciale de 40 milliards39 et déstabilise le Franc qui se déprécie d'environ 4,5 % et doit sortir du Serpent monétaire européen le 15 mars 1976.
Politique industrielle et technologies
L'énergie nucléaire, dont il est fervent partisan, devient un choix stratégique afin que soit limitée la dépendance de la France vis-à-vis des importations d'hydrocarbures. Le conseil de planification décide ainsi le 28 janvier 1975 de limiter à 15 % cette dépendance d'ici à 1985. La France ne possède en 1974 que dix réacteurs répartis en six centrales pour une puissance totale d'à peine 2 800 MW, et huit sont en cours de construction : entre 1975 et 1976, la France lance les travaux de 13 réacteurs supplémentaires. Le secteur de l'industrie atomique est de plus réorganisé le 6 août 1975, avec le choix de Framatome, filiale du Creusot-Loire, comme seul constructeur des centrales, tandis que le CEA est divisé entre plusieurs filiales autonomes. Le 19 janvier 1976, la COGEMA, filiale à 100 % du CEA, est créée pour s'occuper du cycle de combustion nucléaire, entraînant une assez forte contestation au sein du personnel du CEA. Enfin, le gouvernement donne son feu vert le 15 avril 1976 pour le lancement du projet Superphénix, prototype de réacteur à neutrons rapides.
À ceci s'ajoute une politique commerciale offensive, le Premier ministre se faisant le défenseur des industries et technologies françaises à l'étranger. Le 24 juin 1974, à l'occasion de la visite du chah d'Iran Mohammad Reza Pahlavi, celui-ci signe pour 20 à 22 milliards de contrats d'armement, l'achat de cinq centrales nucléaires et l'obtention par des entreprises françaises de la construction du métro de Téhéran et l'électrification des chemins de fer. Plus tard dans l'année, le 20 décembre, Jacques Chirac se rend en retour en Iran et obtient cette fois-ci la signature pour 35 milliards de francs, dont l'adoption par Téhéran du procédé de télévision en couleur français SÉCAM. Il fait de même avec l'État Baasiste d'Irak, encore considéré comme respectable par l'Occident à cette époque (car laïc et en apparence moderniste) : il se rend à Bagdad le 30 octobre 1974 pour obtenir des promesses d'achat pour l'industrie française à hauteur de 15 milliards de francs, dont une fois de plus le procédé SÉCAM. Mais surtout, un accord de coopération énergétique est signé entre les deux pays le 18 novembre 1975, avec l'obtention pour des compagnies pétrolières françaises d'avantages, le partage à 23 % du pétrole irakien et le projet d'installation d'un réacteur nucléaire expérimental de 1 500 MW destiné à la recherche atomique civile en Irak (vite abandonné pour des raisons techniques, il préfigure un second accord signé le 26 août 1976 à l'origine de la construction du réacteur de 70 MW d'Osirak40, surnommé « Ô Chirac » par les Israéliens et une partie de la presse francophone et utilisé par les milieux néo-conservateurs et certains médias américains à partir de 2002 afin de critiquer la position de Jacques Chirac et de la France vis-à-vis de la guerre d'Irak41). Cette attitude de « VRP » du « savoir-faire à la Française » lui vaut d'être parodié en bande dessinée, par le scénariste René Goscinny (qui le croque à nouveau dans l'album d'Astérix Obélix et Compagnie deux ans plus tard) associé au dessinateur Jean Tabary, dans une courte histoire d’Iznogoud paru dans Le Journal du dimanche du 8 décembre 197442.
Conflit avec le président de la République
Le 11 janvier 1976, le président effectue un remaniement ministériel contre l'avis du Premier ministre : les ministres dont ce dernier souhaitait le départ, à savoir Michel Poniatowski, Jean-Pierre Fourcade et Françoise Giroud, sont maintenus, et l'équipe gouvernementale est augmentée de six secrétaires d'État dont un seul de l'UDR, alors que le Premier ministre voulait la restreindre et augmenter le nombre de gaullistes en son sein. Il dénonce le pouvoir exercé par Valéry Giscard d'Estaing et, après la défaite de la droite aux élections cantonales de mars 1976 (neuf départements passent alors à gauche), il demande l'organisation d'élections législatives anticipées au cours desquelles son rôle de coordinateur de la majorité serait reconnu et une refonte complète de l'action gouvernementale : abandon de certaines réformes comme la taxation sur les plus-values et une politique plus axée sur le plan social et la défense des libertés.
Après une rencontre au fort de Brégançon le 6 juin 1976, Jacques Chirac se laisse convaincre par ses collaborateurs, considérant qu'il est devenu l'« huissier de la présidence », et décide de quitter son poste. Il remet sa lettre de démission au président de la République le 26 juillet 1976, mais il accepte de ne la rendre officielle que le 25 août à 11 h 40. Il se justifie avec éclat lors d'une conférence de presse tenue à l'Hôtel Matignon le jour de son départ : « Je ne dispose pas des moyens que j’estime aujourd'hui nécessaires pour assumer efficacement mes fonctions de Premier ministre et dans ces conditions, j'ai décidé d'y mettre fin ». Il aurait affirmé à Valéry Giscard d'Estaing « qu'il voulait quitter la vie politique […] et qu'il s'interrogeait sur sa vie, et qu'il parlait même de monter une galerie d'art ».
Quoi qu'il en soit, remplacé par Raymond Barre, il est dénoncé dès le soir du 25 août par Valéry Giscard d'Estaing dans un entretien donné à TF1. Le chef de l'État reproche à son ancien Premier ministre d'être incapable de résoudre le problème de l'inflation et d'informer clairement l'opinion publique des buts poursuivis par le gouvernement, et considère qu'il manque d'autorité et est inapte à donner aux débats politiques la sérénité nécessaire. L'opposition porte un jugement beaucoup moins dur sur son passage à Matignon, car si Georges Marchais considère Jacques Chirac comme « le Premier ministre le plus antisocial » qu'il ait jamais rencontré, François Mitterrand dit de lui qu'il a été « le meilleur Premier ministre » que la majorité ait eu à son service.
Député de la Corrèze et secrétaire d'État à partir de 1967, il est nommé Premier ministre par Valéry Giscard d'Estaing en 1974, notamment à la suite de l’appel des 43. Deux ans plus tard, entretenant de mauvaises relations avec celui-ci, il démissionne de Matignon et lance le Rassemblement pour la République (RPR). Il devient maire de Paris en 1977 et se présente à l’élection présidentielle de 1981, où il participe à l’échec du président sortant.
Il exerce à nouveau la fonction de Premier ministre de 1986 à 1988, sous la présidence de François Mitterrand : il est ainsi le premier chef du gouvernement d'une cohabitation sous la Ve République et, par la même occasion, la seule personnalité politique sous ce même régime ayant assumé par deux fois la charge de Premier ministre. Il est battu au second tour de l’élection présidentielle de 1988 face au président sortant, puis prend la tête de l’opposition, bien que concurrencé par la suite par Édouard Balladur.
À l’issue de l’élection présidentielle de 1995, il est élu chef de l’État avec 52,6 % au second tour, face au socialiste Lionel Jospin. Le début de son septennat est marqué par une réforme des retraites et de la Sécurité sociale qui est massivement contestée et en partie abandonnée, et par la reconnaissance de la responsabilité de l'État français dans la déportation des Juifs au cours de l'Occupation. À la suite de la dissolution manquée de l'Assemblée nationale en 1997, il est contraint à une cohabitation avec Jospin. Il doit alors faire face à des affaires judiciaires dans lesquelles il est directement mis en cause.
Lors de l'élection présidentielle de 2002, il est réélu au second tour avec 82,2 % des voix, bénéficiant d'un « front républicain » face au candidat du Front national, Jean-Marie Le Pen. Pendant son second mandat, après avoir lancé l'Union pour un mouvement populaire (UMP), il prend la tête de l'opposition internationale à la guerre d'Irak lancée par George W. Bush, et s'implique pour le « oui » dans le référendum de 2005 sur la Constitution européenne, qui se solde par la victoire du « non ». À la fin de sa présidence, affaibli par un permier AVC en septembre 2005, il renonce à briguer un troisième mandat.
Retiré de la vie politique, il siège jusqu’en 2011 au Conseil constitutionnel, dont il est membre de droit en tant qu'ancien président de la République. Mis en cause dans de nombreuses affaires judiciaires durant sa carrière, il a bénéficié de son immunité présidentielle, mais reste poursuivi dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, dans le cadre de laquelle il est condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis en 2011.
Durant son parcours politique, il se montre changeant au niveau idéologique. Engagé à gauche dans sa jeunesse, il est généralement considéré comme gaulliste et classé à droite de l'échiquier politique, bien que des spécialistes le qualifient de radical-socialiste.
Le patronyme Chirac désigne une personne originaire de Chirac, nom de plusieurs localités : la commune de Chirac-Bellevue en Corrèze, l'ancienne commune de Chirac en Lozère (actuelle Bourgs sur Colagne), la commune de Chirac en Charente, ou un hameau de la commune de Chanteuges en Haute-Loire. Le toponyme lui-même est typiquement occitan (il est prononcé [ t͡ʃi.ˈrak]) et représente l'évolution régulière du latin Cariacum, composé de l'anthroponyme gallo-romain Carius et et du suffixe -iacum, désignant la propriété, soit ensemble le « domaine de Carius »1.
Jacques Chirac parle ainsi de son patronyme, qui « a pour origine la langue d'oc, celle des troubadours, donc celle de la poésie ».
Famille
Né à la clinique de la rue Geoffroy-Saint-Hilaire dans le 5e arrondissement de Paris, Jacques René Chirac est le fils « par accidentb » de Marie Louise Valette (1902-1973) et d'Abel François Marie Chirac (1898-1968), médaillé militaire croix de guerre de 14-18, décoré de la Légion d'honneur, employé de banque puis administrateur d'une filiale de la société aéronautique SNCAN. Tous deux sont issus de familles corréziennes laïques et républicaines2.
Ses deux grands-pères sont des hussards noirs de la République, des instituteurs devenus directeurs d'école : à Brive-la-Gaillarde pour son grand-père paternel, Louis Chirac, également vénérable de la loge de la Fidélité du Grand Orient3, et à Sainte-Féréole (Corrèze) pour son aïeul maternel.
Jeunesse et formation
1932-1951 : jeunesse
Le jeune Jacques est élevé en enfant unique et couvé par sa mère car sa sœur aînée, Jacqueline, est morte d'une broncho-pneumonie foudroyante, en 1924, à l'âge de deux ans4.
Il commence ses études à l'école communale de Sainte-Féréole, en Corrèze, où il est scolarisé de 1940 à 1943 ; la famille s'est alors réfugiée face à l'avancée allemande5, avant de rejoindre l'ingénieur aéronautique Henry Potez sur le domaine du Rayol-Canadel-sur-Mer6 puis de les poursuivre en région parisienne (où son père, après avoir été employé de banque, est nommé directeur à la BNCI en 19367), tout d'abord au lycée Hoche de Versailles pendant un an, puis au cours Hattemer8, au lycée Carnot et enfin au lycée Louis-le-Grand, où il obtient le baccalauréat. Les études n'empêchent pas le jeune Jacques de lire de la littérature de son âge, en particulier le magazine Coq hardi dont il rejoint les amateurs en se faisant « totémiser », à la manière des scouts et comme c'était la pratique dans cette édition, sous le totem de « Bison égocentrique » dans les années 19409.
Après son baccalauréat, obtenu en 1950 en section « mathématiques élémentaires » avec mention « assez bien », il fait une campagne de trois mois comme matelot sur un navire charbonnier, le Capitaine Saint-Martin, contre l'avis de son père et signe l’appel de Stockholm sur la non-prolifération des armes nucléaires10. De retour en France, il fait une année en « hypotaupe » (mathématiques supérieures, première année de classe préparatoire scientifique) au lycée Louis-le-Grand.
1951-1956 : études à Sciences Po et vie familiale
Envisageant une carrière administrative, il intègre, en septembre 1951, l'Institut d'études politiques de Paris11. Durant cette période, brièvement, il milite dans la mouvance du Parti communiste avec notamment le futur éditeur Christian Bourgois. Il vend L'Humanité rue de Vaugirard, et participe au moins à une réunion de cellule communiste, comme il l'a raconté12. Ayant signé l'année précédente l'appel de Stockholm, d'inspiration communiste10, il se voit interrogé lorsqu'il demande son premier visa pour les États-Unis ; il est ainsi auditor (étudiant auditeur libre) de la Summer school de Harvard en 1952, et prend dans la foulée une année sabbatique pour parcourir les États-Unis. Il s'y fiance avec une jeune fille de Caroline du Sud13 — Florence Herlihy14 mais les jeunes gens doivent rompre sous la pression de leurs familles respectives15.
De retour en France, ses fiançailles avec Bernadette Chodron de Courcel (née en mai 1933), rencontrée à Sciences Po, sont célébrées dans l'appartement des Chodron de Courcel, boulevard Raspail, le 17 octobre 1953. En 1954, il finit son cursus à l'IEP Paris (section Service Public) en soutenant un mémoire de géographie économique intitulé Le Développement du port de La Nouvelle-Orléans, dirigé par le professeur Jean Chardonnet. Il sort ainsi troisième sur les 139 de sa promotion, avec la mention « bien »16. À l'automne de la même année, il est reçu à l'École nationale d'administration[réf. souhaitée].
Le 16 mars 1956, il épouse Bernadette Chodron de Courcel, malgré les réticences de la famille de celle-ci vis-à-vis d'un jeune homme issu d'un milieu différent. Les Chodron de Courcel refusent un mariage solennel dans la basilique Sainte-Clotilde, habituée des familles de la haute société du faubourg Saint-Germain. La cérémonie a donc lieu dans la chapelle de Jésus-Enfant (no 29 rue Las-Cases), annexe de l'église, réservée alors au catéchisme et aux cérémonies plus intimes, Jacques Chirac étant en uniforme de sous-lieutenant de cavalerie17. Ils ont deux filles : Laurence (1958-2016), médecin, et Claude, née en 1962, conseillère en communication. Les médias rapportent de nombreux cas d’adultère de la part de Jacques Chirac18,19,20, notamment avec Jacqueline Chabridon et Claudia Cardinale21.
1956-1957 : service militaire et guerre d'Algérie
Juste après son mariage, de 1956 à 1957, il effectue son service militaire, et il est classé huitième à l'École de la Cavalerie de Saumur22. On lui refuse cependant le grade d'officier (il est affecté tout d'abord comme soldat de deuxième classe dans un régiment en Bretagne) en raison de son passé communisant et il faut l'intervention des relations de la famille Chodron de Courcel (le général Kœnig) pour l'obtenir. Il en sort donc finalement comme sous-lieutenant de cavalerie.
En tant qu'élève de l'ENA, il aurait pu éviter de faire la guerre d'Algérie (pendant 18 mois), mais il se porte volontaire et il est affecté, à partir du 1er avril 1956, au 11e puis 6e régiment de chasseurs d'Afrique23, en poste à Souk-el-Arba dans le département de Tlemcen24. Au cours de son service, il est blessé au visage, puis promu lieutenant au début de l'année 1957. Il est libéré de son service le 3 juin 1957. Partisan de l'Algérie française, Jacques Chirac explique qu'il n'est devenu gaulliste qu'en 1958, et qu'en 1947[réf. nécessaire], il a pris sa carte du Rassemblement du peuple français « sans savoir ce [qu'il] faisait ».
1957-1965 : ENA et carrière de haut fonctionnaire
Grâce à son mariage et à son ambition, il change complètement de milieu social. De retour de son service militaire, il reprend ses études à l'ENA dans la promotion Vauban, dont il sort dixième en 1959. Celle-ci étant détachée en Algérie par Charles de Gaulle entre le 17 avril 1959 et avril 1960, il est affecté en tant que « renfort administratif » auprès du directeur général de l'Agriculture en Algérie, Jacques Pélissier.
À son retour en France métropolitaine, Jacques Chirac est nommé auditeur à la Cour des comptes et devient maître de conférences à l'IEP de Paris. En juin 1962, il devient chargé de mission (pour la « construction, les travaux publics, et les transports ») auprès du Secrétariat général du gouvernement, puis au cabinet du Premier ministre, Georges Pompidou, dont il devient rapidement un fidèle partisan et collaborateur. Un an plus tard, il retourne à la Cour des comptes en tant que conseiller référendaire, mais ne tarde pas à s'engager en politique.
Parcours politique
Avant l'Élysée
Débuts
En 1965, il est élu conseiller municipal de Sainte-Féréole, en Corrèze, berceau des grands-parents maternels de sa mère25.
Un an plus tard, lors des élections législatives de 1967, Georges Pompidou l'envoie se présenter dans la circonscription d'Ussel (Corrèze), réputée être un bastion de gauche. Il est alors le fer de lance de l'opération dite des « Jeunes loups », à savoir l'alignement par le Premier ministre et les gaullistes de jeunes candidats prometteurs pour remporter des bastions traditionnels de la gauche dans le centre et l'ouest de la France26. Bénéficiant du soutien de Marcel Dassault, qui est un ami de son père et qui finance pour lui un hebdomadaire UDR ayant son siège à Limoges, L'Essor du Limousin27, il l’emporte de justesse au second tour, face à Georges Émon, candidat du Parti communiste français28. Cette victoire est obtenue à l'arraché sur une gauche divisée : en effet, le candidat envoyé par la FGDS pour remplacer Marcel Audy, sénateur et maire et conseiller général de Meymac, un temps pressenti mais convaincu par Jacques Chirac de ne pas se présenter, n'est autre que le propre frère de François Mitterrand, Robert, lequel fait un score calamiteux ; Jacques Chirac bénéficie de la neutralité bienveillante de la gloire locale, Henri Queuille, et de l'appui de l'inamovible maire d'Égletons, Charles Spinasse, ancien ministre socialiste de Léon Blum exclu de la SFIO pour faits de collaborationc. Charles Spinasse affirme à cette occasion que Jacques Chirac est un type très « Front populaire »
Le 8 mai 1967, Jacques Chirac — surnommé « mon bulldozer » par Georges Pompidou — est nommé secrétaire d'État à l'Emploi auprès du ministre des Affaires sociales Jean-Marcel Jeanneney, dans le troisième gouvernement Pompidou, entamant une longue carrière ministérielle qui continue dans tous les gouvernements successifs, dirigés par Maurice Couve de Murville, Jacques Chaban-Delmas et Pierre Messmer, jusqu'en 1974. Plus jeune membre du gouvernement en 1967, l'une de ses premières réalisations est la création de l'Agence nationale pour l'emploi. Durant mai 68, il joue un rôle capital lors des Accords de Grenelle et devient l'archétype du jeune énarque brillant, parodié dans un album d'Astérix en 1976.
Après mai 68, il est secrétaire d'État à l'Économie et aux Finances, d'abord sous l'autorité du gaulliste François-Xavier Ortoli dans le gouvernement Maurice Couve de Murville, puis de celle du libéral Valéry Giscard d'Estaing, après l'élection à la présidence de la République de Georges Pompidou et la formation du premier gouvernement Chaban-Delmas, en juin 1969. Les deux hommes se méfient l'un de l'autre, comme en témoigne le fait que Jacques Chirac n'est pas mis dans la confidence de la dévaluation du franc de 11,1 % en 1969, mais finissent par travailler en bonne intelligence. À ce poste, il patronne notamment la « procédure d'agrément », législation d'exception dont bénéficient les groupes industriels jugés les plus méritants, par négociation à l'amiable directe de l'impôt sur les bénéfices. Ses adversaires l'accusent d'en avoir surtout fait profiter les groupes Dassault ou Bouygues, deux entreprises bien implantées en Corrèze, département où il a renforcé son assise locale en se faisant élire conseiller général pour le canton de Meymac le 27 février 1968 (réélu en 1970, 1976 et 1982) puis président du conseil général en 1970 (réélu en 1973 et 1976, il abandonne ce poste en mars 1979 après être devenu maire de Paris). De plus, le couple Chirac achète le château de Bity, sur le territoire de la commune de Sarran dans le département, le 3 mars 1969, et le restaure après classement comme monument historique par arrêté du 3 avril 196930,d. L'épouse de Jacques Chirac, Bernadette, complète sa présence en Corrèze en étant élue conseillère municipale de Sarran en 1971 (et deuxième adjointe au maire à partir de 1977) ainsi que conseillère générale pour le canton de Corrèze en 1979.
De plus en plus proche de Georges Pompidou, il est choisi en juillet 1969 par le couple présidentiel pour devenir le premier directeur général de la Fondation Claude-Pompidou. Il commence également, à cette époque, à se lier avec deux collaborateurs du président de la République qui deviennent ses deux principaux conseillers durant les années 1970, Pierre Juillet et Marie-France Garaud.
Le 7 janvier 1971, Jacques Chirac est nommé directement par l'Élysée, et sans l'aval du chef de gouvernement Jacques Chaban-Delmas, ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des relations avec le Parlement. Il obtient finalement son premier poste gouvernemental d'importance le 5 juillet 1972, en étant nommé ministre de l'Agriculture et du Développement rural, dans le gouvernement Messmer. Il s'y fait remarquer en obtenant massivement les voix des agriculteurs, base électorale importante qu'il conservera tout au long de sa carrière politique. Dans la même logique, comme bon nombre de personnalités politiques, il assure chaque année, de 1972 à 2011 (sauf en 1979, à la suite de son accident de voiture), une sortie médiatisée et remarquée au salon de l'agriculture31,32. Il devient notamment l'un des instigateurs de la première politique d'aide à l'agriculture de montagne33, en lançant en 1973 l'indemnité spéciale de montagne (ISM)34. En novembre 1973, soutenu par le président, il revient sur des décisions de Valéry Giscard d'Estaing, alors en voyage, en annonçant le retrait du projet de loi de finance d'une nouvelle taxe sur la vente des fruits et légumes qui, dans un contexte de hausse des prix, s'était attirée la colère des détaillants35. Une fois de retour, le ministre des Finances ne peut qu'avaliser les promesses faites par son homologue de l'Agriculture.
Le 27 février 1974, probablement à la suite de l'affaire des écoutes du Canard enchaîné, il « échange », lors d'un changement de gouvernement, son poste avec celui de Raymond Marcellin, jusque-là ministre de l'Intérieur. La mort de Georges Pompidou, le 2 avril suivant, l'affecte fortement ; il apparaît ému aux larmes lors de la messe des funérailles du président en la cathédrale Notre-Dame de Paris. Il milite alors pour une candidature à la Présidence de la République rassemblant l'ensemble de la majorité, face à l'union de la gauche derrière François Mitterrand, et est hostile à Jacques Chaban-Delmas qu'il n'estime pas capable d'affronter la gauche. Il choisit de soutenir tout d'abord le Premier ministre sortant, Pierre Messmer, un temps candidat, puis Valéry Giscard d'Estaing. Il rallie en la faveur de ce dernier, avec son « appel des 43 », 39 parlementaires et 4 ministres gaullistes et contribue ainsi à la victoire du ministre des Finances à l'élection présidentielle. Il bénéficie aussi d'une bonne connaissance du terrain et des élus locaux, acquise en moins de deux ans au ministère de l'Agriculture et surtout de par sa position au sein d'un ministère « stratégique » dans lequel il a la haute main sur les préfets, avec les Renseignements généraux, entre autres.
1974-1976 : Premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing
Le 27 mai 1974, en raison de son rôle décisif dans son élection, Valéry Giscard d'Estaing nomme Jacques Chirac Premier ministre. Il expose le 5 juin son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale qui lui accorde le lendemain sa confiance par 297 voix contre 181. Il conserve l'appui de l'Union pour la défense de la République (qui ne compte que cinq ministres sur quinze, alors qu'ils étaient dix sur seize dans le précédent gouvernement), dont il devient le secrétaire général, en dépit de l'opposition des barons du gaullisme, sans même en avoir été membre précédemment, par 57 voix contre 27 au député-maire de Cambrai, Jacques Legendre, le 14 décembre. Il ne fait toutefois pas l'unanimité au sein du camp gaulliste. Ainsi, le ministre sortant des Relations avec le Parlement, Robert Boulin, qualifie son arrivée à la tête du parti de « hold-up » et rend sa carte de militant tandis que le député-maire de Brive-la-Gaillarde Jean Charbonnel avait déjà saisi, dès le 25 juin 1974, le tribunal administratif pour « violations graves, répétées, délibérées des statuts de l'UDR ». Jacques Chaban-Delmas, quant à lui, estime que : « M. Chirac n'a découvert le gaullisme qu'en comptant les sièges de l'Assemblée ».
Jacques Chirac prend toutefois rapidement en mains l'UDR, notamment les fédérations du parti, et il est réélu à la tête du parti avec 92,56 % des voix des membres du conseil national[Quand ?]. La journaliste Michèle Cotta mentionne « un enthousiasme inouï manifesté dans la salle ultra-moderne du palais des Congrès. Quel contraste par rapport à sa désignation houleuse en décembre dernier »36.
À Matignon, il instaure un style détendu et studieux, travaillant souvent en bras de chemise et les pieds sur la table, tout en entamant un bras de fer avec le président. Tous deux désirent gouverner le pays et possèdent un caractère très différent : leur rivalité est la même depuis leurs tensions au ministère des Finances. De plus, Jacques Chirac se voit imposer par le président un grand nombre de ministres qu'il n'apprécie pas. C'est notamment le cas de Michel Poniatowski qui lui succède à l'Intérieur et obtient en plus le titre de ministre d'État (ce qui en fait le no 2 du gouvernement derrière Chirac) et Jean-Jacques Servan-Schreiber, tous deux fermement antigaullistes. Jacques Chirac se débarrasse rapidement du cofondateur de L'Express sur la question des essais nucléaires. « JJSS » y est opposé et le fait savoir, ce qui le pousse à la démission dès le 9 juin 1974. Pour le remplacer, Valéry Giscard d'Estaing impose à Jacques Chirac le second cofondateur de L'Express en la personne de Françoise Giroud, qui devient secrétaire d'État auprès du Premier ministre chargée de la Condition féminine le 16 juillet.
D'un autre côté, les réformes entreprises par Valéry Giscard d'Estaing surprennent puis agacent les gaullistes. Si Jacques Chirac s'investit personnellement dans la défense des plus symboliques d'entre elles, telles la majorité à 18 ans, la loi sur l'avortement, l'extension de la couverture de sécurité sociale ou la réforme de l'audiovisuel (avec l'éclatement de l'ORTF en sept entités autonomes, comprenant les trois chaines et Radio France, tout en conservant le monopole d'État), celles-ci, ainsi que certaines actions du président telles la « poignée de main » à des détenus en prison, rendent sceptiques l'UDR et vont, selon eux, à l'encontre des idéaux de l'électorat de droite. Beaucoup de « barons du gaullisme » lui reprochent alors d'être trop proche de l'Élysée, le contraignant à la démission du secrétariat général de l'UDR le 15 juin 1975 au profit d'un de ses proches, André Bord puis, à partir de 1976, Yves Guéna. Espérant être reconnu par le président de la République comme chef de la majorité, l'emploi par l'Élysée du terme de « majorité présidentielle » fait que les relations se tendent entre les deux têtes de l'exécutif. Les deux conseillers personnels de Jacques Chirac, Pierre Juillet et Marie-France Garaud, le poussent même à la rupture avec Valéry Giscard d'Estaing.
Gestion de la crise économique
À ces difficultés d'ordre politique s'ajoute une mauvaise situation économique et sociale. Il est en effet le premier chef de gouvernement à être réellement confronté aux effets du premier choc pétrolier de 1973 : la France connaît alors sa première récession économique (le PIB se rétracte de 1,6 % au quatrième trimestre 1974 et de 1,5 % en 1975) depuis 1945, ainsi qu'une forte inflation (celle-ci croît de 13,8 % en 1974, soit la plus forte hausse depuis 195837), tandis que le nombre de demandeurs d'emploi passe de 200 000 à 1 million de personnes de 1974 à 1976. Dans un premier temps, le gouvernement s'efforce de lutter contre l'inflation née de la hausse du prix du baril de pétrole en adoptant le 12 juin 1974 un plan de « refroidissement » préparé par le ministre de l'Économie et des Finances « giscardien » Jean-Pierre Fourcade (il comprend notamment l'opération « frein sur les prix » qui passe par des accords de programmation de hausse avec les producteurs et les distributeurs, la loi du 30 décembre 1974 instaurant un prélèvement exceptionnel contre l’inflation assis sur les accroissements excessifs de marge et la revalorisation du rôle du comité national des prix par décret du 7 août 1975)38. Cette action déflationniste permet à la hausse des prix d'être moins importante les années suivantes (+ 11,9 % en 1975 et + 9,5 % en 1976) et de réduire le déficit commercial du pays, mais fait chuter dans le même temps le taux d'investissement, fragilisant d'autant la production notamment dans le secteur industriel (celle-ci baisse de plus de 10 % en quelques mois).
Jacques Chirac et les gaullistes s'opposent à ce plan, étant favorables à des mesures de relance de l'économie par l'investissement. Le Premier ministre déclare ainsi en juillet 1975 : « Le plan de refroidissement a assez duré. Il ne faut pas écouter les technocrates imbéciles qui veulent freiner les investissements. Les entreprises ont besoin d'une relance ». Sa vision s'impose alors progressivement au président de la République et, après un premier programme « timide » de 6 milliards de Francs complété d'un emprunt de 15 milliards redistribué aux petites et moyennes entreprises au début de l'année 1975, un véritable virage dans la politique économique du gouvernement a lieu en septembre 1975 avec l'abandon du « refroidissement », l'allégement des restrictions de crédits (que sont l'encadrement, les réserves obligatoires et le taux d'intervention de la Banque de France), la mise en place d'un plan de relance de 30,5 milliards de Francs et l'adoption d'un report d'impôt sur les bénéfices pour les entreprises. Cette rupture permet à la production industrielle de repartir à la hausse tout en conservant une inflation stable autour de 10 %, mais entraîne un déficit de la balance commerciale de 40 milliards39 et déstabilise le Franc qui se déprécie d'environ 4,5 % et doit sortir du Serpent monétaire européen le 15 mars 1976.
Politique industrielle et technologies
L'énergie nucléaire, dont il est fervent partisan, devient un choix stratégique afin que soit limitée la dépendance de la France vis-à-vis des importations d'hydrocarbures. Le conseil de planification décide ainsi le 28 janvier 1975 de limiter à 15 % cette dépendance d'ici à 1985. La France ne possède en 1974 que dix réacteurs répartis en six centrales pour une puissance totale d'à peine 2 800 MW, et huit sont en cours de construction : entre 1975 et 1976, la France lance les travaux de 13 réacteurs supplémentaires. Le secteur de l'industrie atomique est de plus réorganisé le 6 août 1975, avec le choix de Framatome, filiale du Creusot-Loire, comme seul constructeur des centrales, tandis que le CEA est divisé entre plusieurs filiales autonomes. Le 19 janvier 1976, la COGEMA, filiale à 100 % du CEA, est créée pour s'occuper du cycle de combustion nucléaire, entraînant une assez forte contestation au sein du personnel du CEA. Enfin, le gouvernement donne son feu vert le 15 avril 1976 pour le lancement du projet Superphénix, prototype de réacteur à neutrons rapides.
À ceci s'ajoute une politique commerciale offensive, le Premier ministre se faisant le défenseur des industries et technologies françaises à l'étranger. Le 24 juin 1974, à l'occasion de la visite du chah d'Iran Mohammad Reza Pahlavi, celui-ci signe pour 20 à 22 milliards de contrats d'armement, l'achat de cinq centrales nucléaires et l'obtention par des entreprises françaises de la construction du métro de Téhéran et l'électrification des chemins de fer. Plus tard dans l'année, le 20 décembre, Jacques Chirac se rend en retour en Iran et obtient cette fois-ci la signature pour 35 milliards de francs, dont l'adoption par Téhéran du procédé de télévision en couleur français SÉCAM. Il fait de même avec l'État Baasiste d'Irak, encore considéré comme respectable par l'Occident à cette époque (car laïc et en apparence moderniste) : il se rend à Bagdad le 30 octobre 1974 pour obtenir des promesses d'achat pour l'industrie française à hauteur de 15 milliards de francs, dont une fois de plus le procédé SÉCAM. Mais surtout, un accord de coopération énergétique est signé entre les deux pays le 18 novembre 1975, avec l'obtention pour des compagnies pétrolières françaises d'avantages, le partage à 23 % du pétrole irakien et le projet d'installation d'un réacteur nucléaire expérimental de 1 500 MW destiné à la recherche atomique civile en Irak (vite abandonné pour des raisons techniques, il préfigure un second accord signé le 26 août 1976 à l'origine de la construction du réacteur de 70 MW d'Osirak40, surnommé « Ô Chirac » par les Israéliens et une partie de la presse francophone et utilisé par les milieux néo-conservateurs et certains médias américains à partir de 2002 afin de critiquer la position de Jacques Chirac et de la France vis-à-vis de la guerre d'Irak41). Cette attitude de « VRP » du « savoir-faire à la Française » lui vaut d'être parodié en bande dessinée, par le scénariste René Goscinny (qui le croque à nouveau dans l'album d'Astérix Obélix et Compagnie deux ans plus tard) associé au dessinateur Jean Tabary, dans une courte histoire d’Iznogoud paru dans Le Journal du dimanche du 8 décembre 197442.
Conflit avec le président de la République
Le 11 janvier 1976, le président effectue un remaniement ministériel contre l'avis du Premier ministre : les ministres dont ce dernier souhaitait le départ, à savoir Michel Poniatowski, Jean-Pierre Fourcade et Françoise Giroud, sont maintenus, et l'équipe gouvernementale est augmentée de six secrétaires d'État dont un seul de l'UDR, alors que le Premier ministre voulait la restreindre et augmenter le nombre de gaullistes en son sein. Il dénonce le pouvoir exercé par Valéry Giscard d'Estaing et, après la défaite de la droite aux élections cantonales de mars 1976 (neuf départements passent alors à gauche), il demande l'organisation d'élections législatives anticipées au cours desquelles son rôle de coordinateur de la majorité serait reconnu et une refonte complète de l'action gouvernementale : abandon de certaines réformes comme la taxation sur les plus-values et une politique plus axée sur le plan social et la défense des libertés.
Après une rencontre au fort de Brégançon le 6 juin 1976, Jacques Chirac se laisse convaincre par ses collaborateurs, considérant qu'il est devenu l'« huissier de la présidence », et décide de quitter son poste. Il remet sa lettre de démission au président de la République le 26 juillet 1976, mais il accepte de ne la rendre officielle que le 25 août à 11 h 40. Il se justifie avec éclat lors d'une conférence de presse tenue à l'Hôtel Matignon le jour de son départ : « Je ne dispose pas des moyens que j’estime aujourd'hui nécessaires pour assumer efficacement mes fonctions de Premier ministre et dans ces conditions, j'ai décidé d'y mettre fin ». Il aurait affirmé à Valéry Giscard d'Estaing « qu'il voulait quitter la vie politique […] et qu'il s'interrogeait sur sa vie, et qu'il parlait même de monter une galerie d'art ».
Quoi qu'il en soit, remplacé par Raymond Barre, il est dénoncé dès le soir du 25 août par Valéry Giscard d'Estaing dans un entretien donné à TF1. Le chef de l'État reproche à son ancien Premier ministre d'être incapable de résoudre le problème de l'inflation et d'informer clairement l'opinion publique des buts poursuivis par le gouvernement, et considère qu'il manque d'autorité et est inapte à donner aux débats politiques la sérénité nécessaire. L'opposition porte un jugement beaucoup moins dur sur son passage à Matignon, car si Georges Marchais considère Jacques Chirac comme « le Premier ministre le plus antisocial » qu'il ait jamais rencontré, François Mitterrand dit de lui qu'il a été « le meilleur Premier ministre » que la majorité ait eu à son service.
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